14 juillet 2008

Eldorado Belge



"ELDORADO" un film de Bouli LANNERS - Belgique 2008 -

C'est un ovni Belge, un formidable LITTLE BIG FILM, plein d'une humanité décalée et terriblement attachante. Une Belgique en monochrome, filmée en couleurs avec amour, humour et tendresse. Une Belgique filmée comme on imagine le Canada.

La rencontre de deux paumées qui ne comprennent plus grand chose au monde qui les entoure. Société qui leur rend bien. Cela commence par une virée solitaire en Chevrolet bleue, musique et voiture Américaine. Yvan, dealer de V8 américain, rentre dans son pavillon pourri, dans un village où on le sent pour le moins "à côté". Pas marginal, seulement à part. Et c'est parce qu'il est le seul à ne pas avoir de chien, qu'un jeune lunaire, un brin sauvage, casquette vissée sur la tête, décide de le cambrioler. Juste pour récupérer un peu d'argent afin de retrouver le foyer familial, dit-il... Au cours d'une longue, drôle et tendre scène (Yvan attend qu'Elie sorte de sa minable cachette, sous le lit) avant de finalement lui proposer de le ramener chez ses vieux. S'ensuit une série de rencontres singulières, collectionneurs de Chevrolets psychopathes, naturiste en camping car, chien jeté d'un pont... une humanité loufoque, étrange, inquiétante, terriblement humaine. "Eldorado" c'est aussi de grands moments de pur cinéma, longs travelling amoureux sur fond de musique forcément alternative. Envie de partager la discothèque de Bouli Lanners, d'en savoir plus. An Pierlé,Jessee Sykes entre autres diamants... Arrivé chez ses parents, Elie perdra vite l'illusion, qu'il n'avait certainement pas, d'un retour heureux. Pendant qu'éclate l'inévitable dispute entre Elie, en fait Didier, et son père militaire; Yvan attend en bas face à la mère. Peu à peu l'intime transpire. Intime qui prend la forme d'un petit film de famille en super 8, deux frangins filmés d'en haut, chahutant plein de vie, plein de vies.
Il faut donc repartir, quitter une morne campagne pour ramener Didier en ville, impasse obligée d'un ex et futur (?) junkie. Yvan attend ce qui ne reviendra plus, sa jeunesse perdue, une fraternité ratée, Didier... Le film laisse sans boussole, sans repères. Il ne finit ni bien ni mal, il se finit en nous.

Je pense au "Pigeon" de Monicelli, à "Paris Texas" de Wenders, "Eldorado" touche au sublime, avec milles délicatesses,avec retenue. Tout est suggéré lors de magnifiques moments de cinéma, de longues virées en chevrolet, de grands travellings audacieux tournés vers un ciel forcément sombre, sur fond de folk, blues, rock fifties...
Deux acteurs, une Chevrolet bleue, un chien dans le coffre, un voyage possible, un pur bijou, une ode triste à la vie. Une ode quand même.
Merci Bouli.

Bande son : "Pretty Baby" MILKSHAKE