Madame,
Nous ne nous connaissons pas, mais hier soir, sous la douche, radio allumé, un frisson m'a parcouru; et l'eau n'y était pour rien. J'apprends dans une brève, jetée l'air de rien, que le nain priapique souhaitait profaner la tombe de votre père, prétextant lui rendre honneur en transférant ses cendres au Panthéon.
Laisserez-vous récupérer et salir la mémoire de votre père, par celui qui, avant qu'un énarque forcément pervers ne lui en donne l'idée; ignorait son oeuvre ? Au mieux Albert Camus devait lui évoquer un nom de lycée, une rue ou une place, mais que sait-il de l'auteur de "L'Etranger", de "La Nausée", de "L'Homme révolté".
Que sait-il de l'Homme pour qui
"Penser c'est dire non", que sait-il du résistant, de l'éditorialiste de "
Combat", de l'Homme qui refusait tout honneur, tout asservissement aux pouvoirs, tout totalitarisme ? Que sait-il de l'Homme opposé à la peine de mort ?
Madame, je ne vous connais pas mais vous demande de ne pas céder à cette grossière manoeuvre, vil tentative de récupération, au viol de notre mémoire collective. Votre père ne doit rien à la droite que représente au plus haut degré d'ignominie, d'inculture, de suffisance ce triste pantin. Il est clair que le nain priapique a besoin de votre père, l'inverse ne peut être vrai.
Je ne suis Rien, rien d'autre qu'un homme parmi d'autres mais qui comme l'écrivait votre père fait partie d'une gauche "malgré moi et malgré elle".
Les idées de votre père étaient à l'envers de cette droite, renvoyez les à leurs vraies valeurs qui ont pour nom, mépris de la culture, de l'humain; suffisance, arrogance, amour du pouvoir, de l'argent.
Il n'est donc pas surprenant que "notre" omnimini président cherche à récupérer le symbole libertaire que représente encore votre père. Ne les laissez pas faire en son nom et au nom du peuple de l'Etranger.
"Les Justes" - préface de l'édition française, votre père écrivait :
"En février 1905, à Moscou, un groupe de terroristes, appartenant au parti socialiste révolutionnaire, organisait un attentat à la bombe contre le grand-duc Serge, oncle du tsar. Cet attentat et les circonstances singulières qui l'ont précédé et suivi font le sujet des Justes. Si extraordinaires que puissent paraître, en effet, certaines des situations de cette pièce, elles sont pourtant historiques. Ceci ne veut pas dire, on le verra d'ailleurs, que Les Justes soient une pièce historique. Mais tous les personnages ont réellement existé et se sont conduits comme je le dis. J'ai seulement tâché à vraisemblable ce qui était déjà vrai.
J'ai même gardé au héros des Justes, Kaliayev, le nom qu'il a réellement porté. Je ne l'ai pas fait par paresse d'imagination, mais par respect et admiration pour des hommes et des femmes qui, dans la plus impitoyable des tâches, n'ont pas pu guérir de leur coeur. On a fait des progrès depuis, il est vrai, et la haine qui pesait sur ces âmes exceptionnelles comme une intolérable souffrance est devenue un système confortable. Raison de plus pour évoquer ces grandes ombres, leur juste révolte, leur fraternité difficile, les efforts démesurés qu'elles firent pour se mettre en accord avec le meurtre - et pour dire ainsi où est notre fidélité."
Transmettez à sarkozy et sa voyoucratie inculte.
KLL Black and Black
Lecture : "Les Justes" Albert Camus